L’extradition est une forme d’entraide internationale. Elle peut être définie comme la procédure par laquelle un État, appelé État requis, accepte de livrer (tradere : livrer en latin) une personne qui se trouve sur son territoire à un autre État, appelé État requérant, qui la réclame pour la commission d’un crime ou d’un délit ou pour l’exécution d’une peine. Il s’agit donc d’une relation d’État à État. L’expression est si connue du grand public qu’elle est utilisée couramment par tout un chacun, alors qu’il s’agit d’un régime juridique complexe finalement peu connu des praticiens.
Avant d’aborder dans le détail son régime juridique, qu’il soit issu de conventions internationales ou du code de procédure pénale, il nous a également semblé important d’envisager ce que cette procédure n’est pas afin de ne pas la confondre avec d’autres procédures.
Premièrement, l’extradition ne doit pas être confondue avec la notion de transfert qui permet à des étrangers privés de liberté de subir leur condamnation dans leur milieu social d’origine. La convention la plus connue sur ce thème est la convention sur le transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983.
Deuxièmement, l’expulsion mais aussi refoulement ne sont pas des méthodes de remise d’une personne d’un État à un autre. Le refoulement et l’expulsion n’ont pas non plus de finalité contrairement à l’extradition. Il s’agit de procédures administratives, le refoulement étant, en principe, le fait de ne pas laisser entrer un étranger sur le territoire de la République.
Troisièmement et plus généralement, la méthode utilisée par l’autorité étrangère ne doit pas constituer une extradition déguisée qui n’est rien d’autre qu’un détournement de procédure. C’est le cas lorsqu’un État veut éviter une procédure d’extradition en la déguisant le plus souvent en expulsion car la procédure d’extradition est généralement longue et incertaine. Un État peut en effet être tenté d’utiliser une procédure poursuivant le même objectif que l’extradition par exemple lorsqu’une précédente demande d’extradition a été refusée.
La difficulté pratique est ici que dans certains cas, l’État requis, en l’occurrence la France, se montre peu soucieux des règles de procédure. Les policiers français voyant un arrêté d’expulsion vont parfois conduire directement la personne à l’autorité étrangère et une fois la frontière traversée, il sera difficile pour l’intéressé d’accéder au juge et de contester la procédure utilisée. Lorsqu’il voudra le faire, il aura par hypothèse déjà été livré à l’État requérant et il sera donc trop tard.
C’est ce qui s’est passé pour un ressortissant italien, un dénommé Bozano, qui s’était réfugié en France parce que condamné en Italie à une peine de réclusion à perpétuité. Après un avis défavorable émis par la cour d’appel de Limoges, il fut interpellé en France en vertu d’un arrêté d’expulsion pris par le ministre de l’intérieur sur proposition du préfet de la Haute-Vienne et, contraint de monter dans une voiture de la police française, fut conduit en Suisse. Il fut incarcéré à titre provisoire en Suisse saisie par l’Italie d’une demande d’extradition puis livré aux autorités italiennes, ce qui a valu à la France une condamnation par la CEDH.
Enfin, quatrième notion à ne pas confondre avec l’extradition : la remise d’une personne en exécution d’un mandat d’arrêt européen. En effet, le mandat d’arrêt européen a été institué par la décision-cadre du Conseil de l’Union Européenne du 13 juin 2002 et introduit dans le droit français pas la loi n°2004-204 du 9 mars 2004. Cette procédure n’est pas une procédure d’extradition simplifiée mais une nouvelle forme de coopération qui remplace l’extradition par un système de remise entre autorités judiciaires.
Le droit de l’extradition est un droit complexe. Il est issu de la loi du 10 mars 1927 qui a été abrogée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 dite Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il est désormais codifié aux articles 696 et suivants du code de procédure pénale qui énonce : « En l'absence de convention internationale en stipulant autrement, les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par les dispositions du présent chapitre.Ces dispositions s'appliquent également aux points qui n'auraient pas été réglementés par les conventions internationales ».
Cet article est essentiel car il pose le principe du caractère subsidiaire et supplétif des règles telles qu’elles sont prévues par le code de procédure pénale. Subsidiaires, les articles du code de procédure pénale le sont parce qu’il y a en règle générale une convention, un traité, un accord bilatéral qui s’applique au cas d’espèce. Or, les textes internationaux sont, dans la hiérarchie des normes, supérieurs à la loi interne.
Les conventions internationales en ce domaine sont nombreuses mais la plus importante d’entre elles, celle qui constitue le droit commun du droit international en la matière, est la convention européenne d’extradition signée à Paris le 13 décembre 1957 dans le cadre du Conseil de l’Europe, entrée en vigueur le 11 mai 1986 en France. Il convient à cet égard de relever qu’au moment de ratifier, tardivement, la convention européenne d’extradition, la France a émis un certain nombre de réserves qu’il est bon de connaître et sur lesquelles nous reviendrons.
À ce jour, 50 pays ont ratifié cette convention internationale dont trois non membres du Conseil de l’Europe (Afrique du Sud, Israël, Corée du Sud). Subsidiaires donc, les dispositions du code de procédure pénale sont également supplétives en ce sens qu’elles ont vocation à s’appliquer aux différents points qui n’auraient pas été réglés par les traités internationaux.
Du point de vue de la personne qui fait l’objet de la demande d’extradition, l’idée-force qui s’évince de l’étude de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation est que la chambre de l’instruction doit systématiquement vérifier les moyens de droit, consacrant le plus souvent des droits et libertés fondamentaux ainsi que des garanties fondamentales de procédure, qui sont invoqués par le requérant, quitte à ce que soit ordonné un supplément d’information.
Ces compléments d’information ont pour objectif d’obtenir de l’État requérant des réponses suffisamment claires et précises sur un point de droit, un élément factuel, ou encore sur des garanties relatives au sort qui sera réservé à la personne concernée au cas où un avis favorable à l’extradition serait émis par la chambre de l’instruction. La Cour de cassation n’est pas la seule à exercer un contrôle juridictionnel sur la procédure d’extradition car un contrôle juridictionnel est également exercé par le Conseil d’État.
En effet, la décision finale appartient au gouvernement français, l’extradition étant autorisée par un décret du Premier Ministre pris sur un rapport du Ministre de la Justice. Cela veut donc dire qu’un recours pour excès de pouvoir pourra être exercé contre le décret d’extradition. Ce recours sera, de fait, suspensif. Ainsi, si l’examen de la demande d’extradition relève de l’autorité judiciaire, l’exécution de celle-ci consécutivement à l’avis de la chambre de l’instruction relève de l’autorité administrative.
L’accusé ou le condamné qui fait l’objet d’une demande d’extradition de la part d’un État étranger peut soit y consentir soit s’y opposer. Dans cette dernière hypothèse, l’urgence sera alors pour le praticien de rechercher s’il existe des moyens susceptibles de faire échec à l’extradition outre la nécessité de vérifier la régularité de la procédure, exclusivement régie par le code de procédure pénale.